Embrun n’a pas toujours été une ville appréciée. Voyageurs anonymes ou célèbres, ils n’ont pas écrit que du bien de notre cité.
Voilà comment, dans son guide touristique À travers les Alpes françaises, Gustave Durennes décrit Embrun en 1890 : « Embrun n’a de bien moderne que sa petite gare, construite au pied du mont Saint-Guillaume, où se font les excursions favorites des indigènes. Partout ailleurs, la ville est triste et laide ; ses maisons sont noires et mal bâties, son vieux collège tombe en ruine ; elle ne conserve de vivant que son incomparable promenade du roc dont la nature a fait tous les frais ».
« Quel patelin, mes aïeux ! »
Un texte retrouvé au dos d’une carte postale d’Embrun, postée le 13 septembre 1913 n’est guère plus élogieux : « Nous voilà installés à Embrun. Quel patelin mes aïeux ! Tu ne peux pas imaginer des ruelles plus sales et plus malodorantes. Si l’air n’était pas sain et l’air très pur, je crois que le choléra balayerait tout en 15 jours ».
Il est vrai qu’à cette époque, à part le long du Roc réservé aux maisons bourgeoises, la ville regorgeait d’écuries, étables et bergeries. On imagine les bouses, crottes et crottins décorant les ruelles. Comme souvent ailleurs, Embrun est entouré de dépôts d’ordures.
On balançait aussi les détritus par-dessus le roc. Les anciens se rappellent même des latrines de la caserne, des bâtiments en bois à cheval sur le roc pour un écoulement direct assuré.
Pour Vauban, « une des plus mauvaises places »
Vauban n’aimait pas non plus Embrun, trop difficile à défendre du point de vue militaire : « une des plus mauvaises places qui puissent se voir », écrit-il en 1692.
Huit ans plus tard, de passage à nouveau dans la cité, il est irrité de la mauvaise qualité des travaux commandés donnant à la fortification « un très mauvais air ». Rien ne s’arrange avec le temps, puisque le directeur des fortifications confirme un peu plus tard qu’Embrun « est toujours une mauvaise place ».
En fuite vers l’Italie, le marquis de Sade fait halte à Embrun en 1775 et se plaint :
« La ville bâtie sur un rocher est peu de chose : les rues sont étroites, les maisons mal bâties ». Les hôtels ont des progrès à faire : « La meilleure auberge est le petit Paris. On y est assez bien… ».
Mais pas de remise pour la voiture et les chevaux qu’on est obligé de laisser dehors « et de payer encore pour les faire garder ».
Clovis Hugues défend la réputation d’Embrun
Heureusement, Embrun saura s’embellir et devenir une destination touristique au point de devenir “la Nice des Alpes”. Une appellation qui surprend au début. Dans le journal La Durance de 1890, Émile Guigues rapporte ce dialogue se passant à la gare de Veynes : « Ah, vous partez pour où ? – Pour la Nice des Alpes. – Qu’est-ce donc que ce pays ? – Embrun pardi ! » Un surnom peu apprécié du chroniqueur : « Dame ! Un compliment exagéré est plus méchant qu’une injure ».
Clovis Hugues chantera les louanges d’Embrun. Dans son dernier roman Le temps des cerises et dans ses poèmes comme celui gravé sur sa stèle aux jardins de l’archevêché : “Le ciel m’est témoin que ton vieux Roc m’attire/Ainsi qu’un vaste diamant mystérieux et pur.”
César préfère être premier chez nous que second à Rome
Déjà au temps de César, les Romains se moquaient des habitants d’ici.
En 61 avant J-C, César utilise le chemin le long de la Durance pour se rendre en Espagne et traverse un village : « une bourgade barbare peuplée d’un petit nombre d’habitants misérables », écrit l’historien latin Plutarque.
Les compagnons de celui qui n’est encore qu’un magistrat raillent les habitants qui sont jaloux entre eux et se battent pour être le chef d’une cité leur paraissant si pitoyable.
L’ambitieux César aurait répondu qu’à choisir entre deux destins, s’il devait rester second à Rome, il aimerait mieux être le chef ici.
Mise à jour le 26 février 2024