L’étrange halte à Embrun du pape Pie VI en 1799

Prisonnier de Bonaparte, Pie VI est transféré en France. Sur le chemin de son exil, à la demande d’Embrunais, le vieux pape très malade peut se reposer quelques heures dans notre cité.

Samedi 29 juin 1799, environ 400 Embrunais sont postés sur la route de Briançon. Ils attendent le pape Pie VI. Le souverain pontife, prisonnier de Bonaparte, est transféré en France. Très malade, âgé de 81 ans, Pie VI avait demandé la grâce de pouvoir mourir à Rome. On lui a répondu : « Mourir, cela peut se faire partout. » Le souverain pontife a traversé les Alpes sur une civière. Après qu’il a failli trépasser à Briançon, le convoi a repris sa route. Il est encadré par 15 gendarmes commandés par un représentant du gouvernement, un dénommé Bontoux.

Pie VI quitte Rome. Prisonnier des Français, le vieux pape très malade sera transféré à Valence. À la demande d’Embrunais, il pourra se reposer quelques heures dans notre cité.

Une foule déterminée à voir le pape prisonnier

La veille, vendredi 28 juin, le pape a couché à Saint-Crépin, chez le médecin François Aymar.

Pie VI

Ce samedi, il poursuit sa route. Bontoux veut éviter Embrun, l’ancien archevêché. Quand le convoi arrive devant la porte de Briançon, l’entrée fortifiée Est de la cité, il ordonne d’en faire le tour par le chemin des portes et de continuer sans s’arrêter. Le pape n’a le droit de parler ni au peuple ni aux notables. Mais la foule n’est pas d’accord.

Depuis la Révolution, le souverain pontife n’a plus la main sur l’Église en France. Une bataille qu’il a aussi perdue. Curés et évêques sont élus par les citoyens. Certains membres du clergé restent fidèles à Rome. Les prêtres réfractaires qui refusent de prêter serment à l’État vivent plus ou moins dans la clandestinité. Ce n’est pas le choix de Michel Bonafous, originaire de Chalvet. Ce prêtre patriote a juré fidélité à l’État.

Embrun au XIXe siècle

Seule, une minorité d’Embrunais s’est déplacée pour voir le pape (un habitant sur six). Mais la foule est déterminée. Michel Bonafous se place à sa tête. Son écharpe tricolore lui donne une certaine autorité. Il ordonne au commissaire Bontoux d’arrêter le convoi : « J’ai quelque chose d’important à dire à sa Sainteté », s’écrie-t-il. La foule fait pression, son ordre est respecté. Il s’approche alors du pape. Les Embrunais ne doivent pas comprendre grand-chose, car il lui parle en latin. Michel Bonafous défend la position de prêtres qui ont prêté serment. Sans eux, tente-t-il de lui expliquer, la foi chrétienne serait morte. Il lui parle du triste état de l’église d’Embrun. Pie VI, visiblement fatigué, coupe court à la discussion en répondant «  bene optime  » : c’est très bien.

La porte de Briançon, qui sera détruite en 1884

Il bénit la foule

Michel Bonnafous demande alors au pape de bénir la foule. Pie VI accepte et sort par trois fois le bras de la voiture. La foule exige alors que Pie VI puisse se restaurer et se reposer quelques instants en ville. Il est accueilli dans la maison de l’officier municipal Miollan.

Le soir, le pape repart pour Savines. La marquise Lafont propose d’accueillir en sa demeure le souverain pontife. Le commissaire Bontoux refuse. Le pape passe la nuit dans l’auberge de Savines, assis sur une chaise envoyée par la marquise.

Pie VI arrive à Valence le 13 juillet. Enfermé dans la citadelle, il meurt six mois plus tard.

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